Avertissement 

Nous avons le plaisir de partager avec vous une contribution externe réalisée par une étudiante (Madame Aïnoa Minet) dans le cadre de son mémoire de Master en sciences de la population et du développement à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Ce mémoire explore la thématique de la sobriété, un enjeu qui devient de plus en plus central pour les entreprises, notamment les PME. 

S'adressant à un public d'administrateurs et de dirigeants de petites et moyennes entreprises, cet article met en lumière comment la sobriété, loin d’être une contrainte, peut constituer un véritable levier de performance. En adoptant des pratiques de gestion plus sobres, les PME peuvent non seulement répondre aux attentes sociétales croissantes en matière de durabilité, mais aussi optimiser leurs ressources, réduire leurs coûts et renforcer leur résilience face aux crises économiques ou environnementales. Cet article fait également le lien avec les travaux d’Olivier Hamant, biologiste français de renom, qui avait fait l’honneur de participer à notre Summer School en juin dernier sur un thème qui lui est cher : la robustesse. 

Dans un contexte où la réglementation évolue et où les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux questions de durabilité, cette approche devient un atout pour se différencier et renforcer la pérennité de l'entreprise. Découvrez dans cet article les clés pour intégrer la sobriété dans la gouvernance de votre PME et en faire un moteur de succès durable. 

 

A propos de l’auteure 

Contact : Aïnoa Minet – nonominet@hotmail.com 

Etudiante en Master en sciences de la population et du développement à l’ULB, Aïnoa Minet est passionnée par les questions environnementales et les différentes transitions possibles face à l’urgence climatique. Dans le cadre de son mémoire, elle explore les voies pour instaurer une sobriété collective désirable en Belgique, à travers le prisme des acteurs économiques en Fédération Wallonie-Bruxelles.  

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Sobriété collective en entreprise : un choix stratégique et inspirant 

Si vous êtes administrateur d'une PME, que ce soit de grande ou de petite taille, et que vous êtes sensible aux questions environnementales, proposer une sobriété collective désirable dans votre entreprise nécessite une démarche holistique, à la fois ambitieuse et réaliste. Il est nécessaire de faire preuve d’un leadership inspirant, en insistant sur les avantages à long terme (économies, pérennité, impact positif) tout en créant une dynamique inclusive et collaborative. En intégrant cette vision dans la culture d’entreprise et en offrant des outils pratiques, vous pouvez transformer la sobriété en une démarche à la fois engageante et bénéfique pour l'ensemble des acteurs. 

L’objectif de l’étude sociologique dans le cadre de ce mémoire était de déceler les possibles stratégies philosophiques, sociales, économiques, politiques et environnementales pour édifier une sobriété collective désirable en Belgique mais aussi au sein des entreprises. Pour ce faire, 8 PME ainsi que 11 collectifs en lien avec celles-ci en Fédération Wallonie-Bruxelles ont été interrogés afin de dégager des pistes de solutions applicables pour atteindre une sobriété collective désirable. Les résultats obtenus proviennent de la richesse de faire croiser les avis d’experts avec les réalités des acteurs concernés, qui permettent au terme de ce travail d’affirmer qu’une transition sobre collective désirable est imaginable pour une société en marge du progrès.  

 

Une sobriété collective désirable, kesako ?  

La notion de sobriété, principalement énergétique, suscite de plus en plus d'intérêt de la part des sciences sociales et politiques, surtout en France et tout doucement en Belgique (Toulouse, 2020). Elle est définie comme « une modération de la production et de la consommation de ressources énergétiques et matérielles, par une transformation des modes de vie au-delà de la recherche d’efficacité » (Cézard et Mourad, 2019 : p.5). C’est cette philosophie du « mieux avec moins » qui doit devenir un projet collectif mis en œuvre avec des mesures réalistes en insistant sur la force de la collectivité et la responsabilité sociétale. De plus, la sobriété ne sonne pas comme une douce mélodie pour les différents acteurs de la société, elle doit donc évoluer vers une réalité désirable philosophiquement pour qu’elle s'ancre naturellement et structurellement. Or le double contexte de dépendance énergétique accrue et de crise durable rend difficile une organisation collective de sobriété. Mais c’est justement parce qu’il y a un risque de tension sociale forte qu’il faut une répartition claire des efforts entre les différents acteurs en sortant d’un schème général de l’inaction.  

Proposer une sobriété collective désirable en entreprise, en tant qu'administrateur d'une PME, nécessite une approche équilibrée qui combine un leadership inspirant et des actions concrètes. Voici plusieurs pistes partagées par les PME et collectifs interrogés pour intégrer cette vision de manière efficace : 

 

Solution 1 : dorer l’image de la sobriété et de ses bienfaits  

 Au sein des entreprises, il est essentiel d’insister sur la vertu économique : choisir d’être sobre est souvent lié à une baisse des dépenses, en particulier dans le secteur de l’énergie. De plus, elle permet d’améliorer la compétitivité, d’avoir une résilience face aux hausses de prix de ressources, d’anticiper les normes futures, de stimuler l’innovation et bien d’autres. D’un point de vue social, la sobriété permet d’améliorer la qualité de vie au travail, réduit le stress, promet du sens et des valeurs partagées, renforce les relations humaines et la collaboration, réduit l’épuisement professionnel, ….  Pour les administrateurs, il convient de positionner la sobriété comme un choix stratégique en lien avec les valeurs de l’entreprise, tels que l’engagement environnemental, la responsabilité sociale ou la durabilité à long terme. Il s’agit de montrer que la sobriété est un levier de performance et de pérennité.  

 

Solution 2 : passer de la performance à la robustesse 

Notre système capitaliste est marqué par une forte dépendance à la croissance continue dans le but de créer du profit monétaire. Pour sortir de ce culte de la performance, il est donc nécessaire de trouver un autre mantra pour les entreprises comme réponse opérationnelle aux turbulences financières, sociales, écologiques, énergétiques et géopolitiques (Canopea, 2024). C’est le biologiste français Olivier Hamant (2023) qui souligne l'importance de l'adaptabilité et de la flexibilité dans les systèmes biologiques pour maintenir la robustesse. Cela se traduit par la capacité des entreprises et des économies à s'adapter rapidement aux changements de marché et aux crises imprévues. Dans un monde de plus en plus incertain et volatile, la robustesse devient un atout stratégique pour garantir la pérennité et la performance à long terme d'une entreprise. Elle est non seulement un gage de survie, mais aussi un levier pour saisir de nouvelles opportunités dans des périodes de changements rapides. Pour pouvoir développer une vision partagée sur la robustesse, les administrateurs doivent clarifier les raisons pour lesquelles cette démarche est entreprise (réduction des coûts, optimisation des ressources, éthique écologique) afin que les collaborateurs comprennent l'intérêt de ce changement. 

 

Solution 3 : Encourager, Suivre, Evaluer et Ajuster 

Afin d’encourager l’innovation et l’écoconception, les administrateurs doivent repenser leurs produits et leurs services. L’éco-conception consiste à réfléchir à toutes les étapes du cycle de vie d’un produit pour en minimiser l’impact environnemental (matières premières, fabrication, transport, usage, fin de vie). Chercher à rendre les processus plus sobres, par exemple en réduisant les consommations d’eau et d’énergie dans la production, ou en limitant l’utilisation de matières polluantes permettent d’innover dans les processus mêmes. C’est également en choisissant des partenaires éco-responsables (fournisseurs) que l’empreinte environnementale de la chaîne d’approvisionnement peut être réduite. Afin de suivre et évaluer ces progrès en matière de sobriété (réduction des consommations, émissions évitées, etc.), l’installation d’outils de suivi tels que des tableaux de bord environnementaux permettent une transparence et une amélioration continue. N’oublions pas que la sobriété est un processus évolutif, il est donc essentiel de rester flexible et d’encourager l’adaptation continue.  

 

Bibliographie :  

Ben Kemoun, Nathan, et Guillard, Valérie, 2019. « Chapitre 11. Qu’est-ce que la sobriété matérielle ? Une première définition ». Du gaspillage à la sobriété : Avoir moins et vivre mieux ?. De Boeck Supérieur. pp. 137-142. 
Canopea. (2024, juillet 12). Une DPR qui manque de “lucidité et de pragmatisme” sur l’environnement. Canopea. En ligne : https://www.canopea.be/une-dpr-qui-manque-de-lucidite-et-de-pragmatisme-sur-lenvironnement/ 
Cézard, Florian, Mourad, Marie, 2019. « Panorama sur la notion de sobriété – définitions, mises en œuvre, enjeux », La valeur de la simplicité volontaire, pp.1-10. 
Edouard, Toulouse, 2020. « La sobriété énergétique, une notion disruptive de plus en plus étudiée », La Revue de l’Energie, n°649. 
Hamant, Olivier, 2023. Antidote au culte de la performance : la robustesse du vivant. Paris : Gallimard. 
Radjou, Navi et Prabhu, Jaideep, 2015. L’innovation frugale : comment faire mieux avec moins. Paris, Diateino. 
Sandberg, Maria, 2021. “Sufficiency transitions : A review of consumption changes for environmental sustainability”, Journal of Cleaner Production, 293, pp. 1-16.