L’attrait d’un mandat d’administrateur dans une entreprise publique : une perspective ambivalente
Les élections fédérales, régionales, provinciales et communales ne donnent pas seulement naissance à de nouveaux gouvernements et conseils provinciaux ou communaux. Elles entraînent également une recomposition de nombreux conseils d'administration d'entreprises publiques. En tant qu’actionnaires de nombreuses entités de ce type, les pouvoirs publics doivent veiller à la qualité des dirigeants qu'ils nomment. Les compétences en leadership et en gestion des administrateurs sont cruciales pour la performance des entreprises publiques. Depuis des années, on encourage les gouvernements à s'intéresser davantage à la sélection des administrateurs. Cependant, la préférence pour des nominations basées sur des liens politiques demeure une réalité, en parallèle avec d'autres critères comme le mérite, le leadership et l'expérience.
Certaines entreprises publiques ont adopté une approche plus ouverte, en recrutant au-delà des cercles politiques et en introduisant des administrateurs indépendants. Le nouvel accord gouvernemental fédéral plaide pour un actionnariat stratégique, soulignant le besoin de profils expérimentés. Un tel modèle exige des administrateurs à la fois "dépendants" et "indépendants", capables de prendre des décisions objectives et autonomes dans l'intérêt de l'entreprise publique.
Le nouvel accord gouvernemental propose une classification plus objective des mandats et des rémunérations conformes aux responsabilités et à la charge de travail. Il s'agit d'une évolution positive. Une rémunération peut également prendre d'autres formes, comme l'accès à des formations.
Responsabilités et rémunération : un équilibre fragile
Un mandat d’administrateur dans une entreprise publique implique de lourdes responsabilités. Les administrateurs supervisent les décisions stratégiques, garantissent la santé financière de l’entreprise et contribuent à l’intérêt général. En théorie, cette mission est une opportunité attractive pour des professionnels expérimentés et engagés sociétalement.
Cependant, l'absence d’incitations claires freine de nombreux candidats. Les rémunérations sont souvent modestes, surtout comparées à celles du secteur privé. Même si la valeur sociétale du mandat est une motivation, la faible rémunération dissuade les profils expérimentés du monde des affaires, d'autant plus que le niveau de responsabilité et la charge de travail ne sont pas moindres.
Ingérences politiques : un enjeu complexe
L’influence politique sur les entreprises publiques est un autre défi. Les administrateurs opèrent sous le regard scrutateur des médias et du monde politique, ce qui peut entraîner des tensions lorsque les priorités politiques entravent la gestion opérationnelle. Pour les professionnels habitués à l'autonomie et à la prise de décision rationnelle, cet environnement peut être rebutant.
Le regroupement des participations publiques au sein d’entités comme la SFPIM, prévu dans l'accord gouvernemental, pourrait limiter les ingérences politiques directes. Cela permettrait aux entreprises fournissant des services publics essentiels d'interagir plus constructivement avec les décideurs politiques.
Le carrousel des nominations
La répartition des mandats dans les entreprises publiques repose souvent sur des accords globaux entre partis. Ce système opaque ternit la crédibilité des nominations et allonge les délais de prise de décision. Pire encore, il arrive que des profils soient sélectionnés en dernière minute, renforçant le sentiment d’imprévisibilité et découragent les talents du secteur privé.
Des procédures de sélection solides et transparentes, pilotées par les actionnaires (comme la SFPIM), permettraient de sélectionner les meilleurs candidats tout en préservant une marge de décision politique.
Quel profil pour un administrateur idéal ?
Les critères de sélection rigides et traditionnels excluent parfois des talents dynamiques et innovants. Un manque de diversité peut aussi être un frein. Des conseils d'administration trop homogènes en termes de profils risquent non seulement de réduire la qualité de débat et de vision attendue pour relever les enjeux de l’entreprise, mais aussi de paraître peu attrayants pour des talents innovants qui pourraient challenger l’échange d’idées et la prise de décision. Par ailleurs, encourager la diversité sous toutes ses formes (genre, âge, culture) rendrait aussi ces postes plus attractifs.
Restaurer l’attrait des mandats d’administrateur
Un mandat d’administrateur dans une entreprise publique offre une opportunité unique d'avoir un impact stratégique et sociétal. Mais des obstacles persistent, notamment pour les talents extérieurs aux cercles politiques. Trouver le bon équilibre entre responsabilité, rémunération, autonomie et diversité, avec les nouveaux cadres fixés par le gouvernement, pourrait redonner à ces mandats le prestige et l’attrait qu’ils méritent.