Le nouveau Code de bonne gouvernance pour les organisations à profit social
Le 23 octobre, le nouveau Code de bonne gouvernance pour les organisations à profit social (OPS) a été solennellement inaugurée. Une révision s’imposait, non seulement parce qu’un code doit évoluer avec la dynamique et les transformations de la société, mais aussi parce que la bonne gouvernance des OPS ne dispose pas d’un cadre réglementaire clairement défini. Le code de la Fondation Roi Baudouin (FRB) reste donc un instrument réflexif ayant la valeur d’une boussole : ordinatrice et faisant autorité, comme elle l’a été au cours des quinze dernières années, et comme elle le restera sans doute.
Pour les spécialistes, il est intéressant d’observer comment certains concepts sont définis ou reformulés dans cette nouvelle édition. En 2010, une OPS était une organisation poursuivant un objectif idéal sans exercer principalement d’activités commerciales(1). Cette définition reste inchangée. Les thèmes, le contexte et les défis propres aux OPS demeurent reconnaissables : rareté des moyens, hybridation et politique de subventions exigeante. Le code mentionne désormais plus explicitement les défis transversaux dans son préambule, soulignant ainsi leur importance croissante. Des thèmes tels que la technologie, l’intelligence artificielle, la vie privée et la durabilité font aujourd’hui partie intégrante de la réalité de toute organisation. Il est d’ailleurs révélateur que les normes simplifiées ESRS (European Sustainability Reporting Standards) y soient citées. Bien que les règlements européens sur la durabilité (CSRD et CSDDD)(2) ne s’appliquent pas aux associations ou fondations, la Fondation Roi Baudouin reconnaît à juste titre que leur application volontaire et adaptée peut constituer un atout stratégique.
Une autre innovation législative concerne la possibilité de coopter des administrateurs, introduite par le Code des sociétés et associations (CSA) à l’article 9:6. Dans le CSA, cette possibilité reste encadrée par l’approbation de l’Assemblée générale, et le Code FRB précise également que cet organe conserve toujours le dernier mot. Le législateur a manifestement voulu offrir une certaine flexibilité au conseil d’administration, lui laissant une marge d’autonomie pour déterminer les profils adéquats. La collégialité et la complémentarité sont en tout cas des valeurs favorisées par cette extension d’autonomie.
L’objectif social au cœur de la gouvernance
L’absence de but lucratif influence naturellement le contenu des recommandations. Ainsi, la première recommandation place l’objectif désintéressé et social au centre : il doit être clairement formulé dans les statuts et orienter la stratégie et les actions de l’organisation. Cela se traduit aussi dans l’attitude et le profil spécifiques de l’administrateur d’une OPS. L’engagement sociétal et la dévotion personnelle à la mission sont explicitement mentionnés.
Cet engagement constitue une différence essentielle avec le Code belge de gouvernance d’entreprise 2020, qui met l’accent sur l’indépendance et l’objectivité, et où les administrateurs peuvent être rémunérés (parfois même partiellement en actions). Le Code FRB met plutôt l’accent sur l’intégrité, le bénévolat et l’implication sociétale.
D’autres distinctions apparaissent également. Le Code 2020 met l’accent sur la création de valeur durable pour les actionnaires et sur l’égalité de traitement entre investisseurs. La deuxième recommandation du Code FRB déplace cette perspective : elle met l’accent sur la coopération et la communication avec les parties prenantes pour réaliser la mission. Là où le secteur marchand agit principalement à l’intérieur de ses propres réseaux, le secteur social se tourne vers l’extérieur pour créer de la valeur sociétale. Les frontières d’une OPS sont fluides ; celles d’une société commerciale (SA ou SRL) sont davantage protégées par un voile juridique.
Ainsi, le Code FRB ne traite pas la bonne gouvernance dans les OPS comme un simple ensemble de recommandations, mais comme une vision de la gouvernance elle-même : le bénévolat, la coopération et l’orientation vers les parties prenantes en sont les piliers. C’est inspirant, mais cet engagement rend aussi les associations vulnérables. L’exemple récent de Reset Brussels, contraint d’interrompre un projet solide en raison d’une pression fiscale accrue, illustre à quel point l’idéal peut être mis à l’épreuve. Une bonne gouvernance implique donc aussi de renforcer la résilience face à ces chocs externes.
Les recommandations
La bonne gouvernance dans les OPS ne consiste pas seulement à poursuivre un objectif désintéressé, mais aussi à établir une structure équilibrée permettant d’atteindre cet objectif. Des checks & balances clairs, tels que ceux énoncés dans les recommandations trois et quatre, sont essentiels. La séparation des fonctions et le principe des “quatre yeux” garantissent la transparence, évitent la concentration du pouvoir et renforcent la confiance. Une répartition claire des responsabilités – formalisée dans un règlement interne – définit les rôles du conseil d’administration, de la direction, du personnel et des bénévoles.
Les recommandations six, sept et huit soulignent l’importance d’une prise de décision collégiale et transparente. Le conseil d’administration décide dans un esprit de consensus et de soutien partagé. Le principe NIFO (“Nose in, Fingers out”) encourage les administrateurs à rester bien informés et impliqués dans les discussions stratégiques sans interférer dans l’exécution opérationnelle. La dynamique entre le conseil et la direction est cruciale : le premier fixe le cap et contrôle, la seconde exécute et rend compte. La communication, la confiance mutuelle et la responsabilité partagée sont les fondements d’une gouvernance équilibrée et efficace.
La neuvième recommandation introduit une innovation importante : l’accent mis sur l’évaluation continue du fonctionnement du conseil. Alors que cette évaluation n’était auparavant qu’implicite, elle occupe désormais une place propre. Des moments de réflexion réguliers – formels ou informels – sont encouragés, parfois complétés par des enquêtes anonymes. Cela permet à la salle du conseil d’apprendre, d’ajuster et d’évoluer.
Le besoin de bonne gouvernance
La bonne gouvernance est essentielle car elle garantit la légitimité et la crédibilité sociétales des OPS. Ces organisations existent pour réaliser un objectif social et reçoivent souvent des fonds de tiers : pouvoirs publics, donateurs ou membres. Transparence, efficacité et reddition de comptes sont donc indispensables. Une bonne gouvernance favorise des décisions équilibrées, la clarté des responsabilités et prévient les asymétries d’information entre le conseil et la direction.
Dans une société démocratique où la confiance est parfois mise à l’épreuve, la bonne gouvernance aide les OPS à (re)gagner cette confiance. Elle renforce la valeur sociétale et la durabilité que ces organisations cherchent à offrir chaque jour.
Avec cette nouvelle code, la FRB souligne une vision exigeante et lucide du secteur social. GUBERNA salue la continuité qu’elle offre, ainsi que les subtils renouvellements intégrés de manière réfléchie. Aujourd'hui encore, le code soulève des questions, et c'est une bonne chose. Pour conclure, le directeur SPO peut continuer à se poser les questions suivantes à titre de test de réflexion
Trois questions clés pour les administrateurs
Sommes-nous préparés aux risques ?
Le bénévolat et l’engagement sont précieux, mais rendent les organisations vulnérables aux pressions externes. Une gouvernance durable intègre des marges de sécurité, tant financières qu’organisationnelles.
Notre dialogue avec les parties prenantes est-il stratégique ?
La code met l’accent sur la coopération et la participation. Les administrateurs doivent vérifier si ce dialogue influence réellement les décisions et si les parties prenantes sont suffisamment impliquées dans la gouvernance.
Continuons-nous à apprendre en tant que conseil ?
La neuvième recommandation souligne l’importance de l’autoévaluation. Une réflexion continue sur la culture de réunion, la relation avec la direction et les processus décisionnels reste essentielle pour garantir un fonctionnement cohérent et équilibré.