GUBERNA célèbre cette année son 30e anniversaire. Depuis trois décennies, nous accompagnons les organisations et leurs organes de gouvernance dans la mise en place d’une gouvernance forte, tournée vers l’avenir et durable.
Avec une mission claire – « Better Boards, Better Organisations, Better World » – nous avons progressivement contribué à faire évoluer et améliorer la gouvernance en Belgique et en Europe.

En tant que membre actif d’ecoDa, la fédération européenne des instituts d’administrateurs, nous contribuons également au développement des pratiques de gouvernance dans un contexte européen.

Au fil des années, nous avons ajusté nos priorités, développé de nouvelles normes et lignes directrices, et participé à l’édification des fondements de la bonne gouvernance.
Toujours avec l’ambition de rendre la gouvernance pertinente et applicable, dans tous les secteurs et à tous les niveaux.

Ces 30 années constituent un moment de rétrospective, mais certainement pas un point final.
Avec la même énergie, nous continuons à œuvrer pour une bonne gouvernance, aux côtés des administrateurs, des organisations et de notre réseau.

Dans cet article, nous revenons sur la publication des Principes de gouvernance d’entreprise du G20/OCDE.

SG : En tant que nouveau président du Comité de Gouvernance d'Entreprise de l'OCDE, quelles sont selon vous les principales tendances et évolutions dans le paysage de la gouvernance d'entreprise ? 

JPS : Au cœur de la gouvernance d'entreprise se trouvent les relations entre la direction d'une entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et ses parties prenantes. Elle établit la structure par laquelle une entreprise est dirigée et ses objectifs sont définis. En pratique, cela signifie que la gouvernance d'entreprise touche à presque tous les aspects des opérations d'une entreprise. Et tout comme les entreprises évoluent dans leur façon de fonctionner et d'interagir, la gouvernance d'entreprise doit également s'adapter en phase avec ces changements. 

Une tendance importante que j'ai observée est l'influence croissante des investisseurs institutionnels. Les Principes révisés de Gouvernance d'Entreprise du G20/OCDE encouragent désormais l'adoption de codes de bonne gestion en complément de la réglementation. Ces codes visent à favoriser l'engagement des actionnaires et à promouvoir la transparence dans la manière dont les investisseurs institutionnels divulguent leurs politiques de vote et leurs stratégies d'engagement. 

Nous constatons également une plus grande dépendance à l'égard des conseillers en vote, des fournisseurs d'indices et des agences de données et de notation ESG. Dans ce domaine, une gouvernance d'entreprise efficace doit œuvrer à prévenir les conflits d'intérêts qui pourraient compromettre la qualité et l'indépendance de leurs évaluations. C'est pourquoi la transparence – particulièrement concernant les méthodologies utilisées par ces prestataires de services – est absolument essentielle. 

Enfin, la durabilité a été un moteur clé dans la révision la plus récente des Principes. À travers le monde, nous avons assisté à une reconnaissance croissante du rôle vital que joue une bonne gouvernance d'entreprise dans le renforcement de la résilience des entreprises et le soutien à la création de valeur à long terme dans un monde en rapide évolution. 

 

SG : Comment percevez-vous la pertinence des Principes révisés de Gouvernance d'Entreprise du G20/OCDE dans l'économie mondiale actuelle en rapide mutation ? 

JPS : Ces Principes ont été approuvés par le G20 et sont reconnus par le Conseil de Stabilité Financière comme une norme mondiale essentielle pour des systèmes financiers sains. Ils servent de référence internationale principale pour la gouvernance d'entreprise et sont largement utilisés dans diverses juridictions. 

Parce qu'ils reflètent un large consensus mondial, ils constituent un outil puissant pour les décideurs politiques et les régulateurs du monde entier afin d'évaluer et de renforcer leurs cadres juridiques, réglementaires et institutionnels. Ce faisant, les Principes contribuent à promouvoir la confiance dans les marchés, l'efficacité économique, la stabilité financière et l'intégrité. 

Entre 2021 et 2023, les Principes ont fait l'objet d'un examen approfondi pour garantir qu'ils restent pertinents face aux tendances évolutives de la gouvernance d'entreprise et des marchés des capitaux. La version révisée a été formellement adoptée par l'OCDE en juin 2023 et approuvée par les dirigeants du G20 quelques mois plus tard, en septembre. 

Ces mises à jour périodiques sont essentielles. Elles garantissent que les Principes continuent de refléter les réalités actuelles et aident les entreprises à accéder aux capitaux, tout en renforçant la confiance des investisseurs grâce à la transparence et aux pratiques de bonne gouvernance. S'il est vrai que nous observons des changements rapides dans de nombreux domaines, je dirais que le changement a toujours été une constante. 

Ce qui rend les Principes si précieux, c'est leur capacité à offrir un cadre stable et flexible – un cadre qui reste fiable même en période de transformation significative. 

 

SG : Y a-t-il des domaines spécifiques de la gouvernance d'entreprise qui vous semblent particulièrement pertinents dans le contexte belge ? 

JPS : Comme vous le savez certainement, la Belgique a une tradition d'entreprises familiales, dont beaucoup présentent une structure d'actionnariat concentré. Cette structure de propriété a naturellement des implications pour la gouvernance de ces entreprises. Je crois qu'il est utile de souligner qu'un cadre de gouvernance d'entreprise devrait protéger et faciliter l'exercice des droits des actionnaires tout en assurant un traitement équitable de tous les actionnaires. 

La dernière édition du Factbook sur la Gouvernance d'Entreprise de l'OCDE, l'une des publications clés du Comité, met en évidence certaines tendances et évolutions intéressantes dans les droits des actionnaires qui sont particulièrement pertinentes ici. 

Le Comité examine bien sûr ces questions d'un point de vue comparatif et international. Une tendance notable que nous avons observée est une augmentation significative des juridictions permettant aux entreprises d'émettre des actions à droit de vote multiple, s'éloignant du principe traditionnel "une action, une voix". Ce changement crée une gamme plus diversifiée de cadres de gouvernance. En Belgique, par exemple, le Code des Sociétés et des Associations permet désormais les actions à droit de vote multiple et introduit l'option des actions de fidélité dans les sociétés cotées. Le contexte belge est appelé à évoluer avec l'entrée en vigueur de la Directive européenne sur les Structures d'Actions à Votes Multiples, qui devra être transposée en Belgique dans un futur proche. 

JPS

En outre, nous observons également une évolution considérable dans les cadres d'examen des transactions entre parties liées. Presque toutes les juridictions exigent désormais une divulgation à la fois périodique et immédiate des transactions entre parties liées. Les actionnaires peuvent également jouer un rôle accru dans la majorité des juridictions, par exemple, dans les transactions dépassant certains seuils. En Belgique, le cadre juridique de la gouvernance d'entreprise a également été récemment renforcé, suite à une initiative prise par la FSMA sur cette question, avec des transactions au-dessus d'un certain seuil désormais soumises à l'approbation des actionnaires. 

Ce sont tous des domaines d'évolution intéressants qui pourraient inspirer une réflexion plus approfondie sur la façon dont le cadre belge de gouvernance d'entreprise pourrait être davantage amélioré. 

 

"Les Principes contribuent à promouvoir la confiance dans les marchés, l'efficacité économique, la stabilité financière et l'intégrité." 

Jean-Paul Servais, Chair of OECD Corporate Governance Committee 

 

 

SG : Cela m'amène à la question suivante. Comment les Principes révisés du G20/OCDE peuvent-ils influencer le cadre de soft law belge et inspirer le Code belge de Gouvernance d'Entreprise ?

JPS : Depuis leur adoption initiale en 1999, les Principes de l'OCDE sont devenus une source d'inspiration pour l'élaboration des politiques de gouvernance d'entreprise en Belgique. Ce n'est pas surprenant — étant donné notre économie ouverte et orientée à l'international, disposer d'un cadre de gouvernance solide est essentiel pour maintenir notre attractivité en tant que lieu d'affaires. Un cadre de gouvernance d'entreprise efficace peut soutenir l'accès d'une entreprise au financement et accroître la confiance des investisseurs en renforçant la confiance dans des marchés de capitaux transparents et équitables.

Ce que je trouve particulièrement important, c'est que ces principes ne sont pas seulement théoriques. Ce sont des outils pratiques conçus pour aider les décideurs politiques à améliorer les fondements juridiques, réglementaires et institutionnels de la gouvernance d'entreprise. Ils le font en fournissant aux actionnaires, aux membres du conseil d'administration, aux dirigeants et aux autres parties prenantes clés les informations et les incitations dont ils ont besoin pour remplir efficacement leurs rôles. Ce faisant, les principes renforcent la responsabilité et fournissent un système de freins et contrepoids qui fonctionne.

Il est également important de souligner que les Principes du G20/OCDE ne sont pas contraignants. Ils ne visent pas à prescrire une législation nationale détaillée, et ils ne remplacent ni ne prennent le pas sur les lois et réglementations existantes. Au lieu de cela, ils définissent des objectifs clés et suggèrent diverses approches pour les atteindre — que ce soit par le biais de législations formelles, de règles de cotation, d'autorégulation, d'engagements volontaires ou de pratiques commerciales établies.

D'après ce que j'ai pu constater, la manière dont ces Principes sont appliqués dépend également du paysage juridique et réglementaire de chaque pays. Leur force réside dans leur flexibilité — ils offrent un cadre robuste mais adaptable tant pour les décideurs politiques que pour les acteurs du marché. Pour la Belgique, comme pour de nombreuses autres juridictions, cela signifie que nous pouvons nous aligner sur les meilleures pratiques mondiales tout en façonnant un modèle de gouvernance d'entreprise adapté à notre contexte particulier.

 

SG : Comment pensez-vous que le changement climatique ou la transformation numérique affectent la gouvernance ? Comment percevez-vous l'importance de la gouvernance d'entreprise pour aider les entreprises à atteindre leurs objectifs de durabilité et à surmonter les défis ?

JPS : La gouvernance d'entreprise a certainement ressenti l'impact des avancées technologiques rapides et de la transformation numérique continue de nos sociétés. Prenons, par exemple, l'évolution dans la façon dont les assemblées d'actionnaires sont menées. La pandémie de Covid-19 a été un catalyseur majeur de changement. Ce qui a commencé comme un passage temporaire aux réunions à distance est devenu, dans de nombreux cas, une caractéristique permanente des cadres juridiques. Un rapport récent du Comité sur les tendances dans les assemblées d'actionnaires a révélé que 87% des cadres juridiques permettent désormais aux entreprises de tenir des réunions uniquement virtuelles, tandis que 94% autorisent des réunions hybrides, où la participation à distance et en personne est possible.

Cependant, il est crucial de s'assurer que les réunions virtuelles et hybrides sont conçues de manière à garantir un accès égal à l'information et des opportunités pour tous les actionnaires de participer activement. Cela inclut de fournir à chacun les mêmes possibilités de poser des questions à la direction. Alors que les technologies numériques s'intègrent davantage dans la gouvernance d'entreprise, les questions de sécurité numérique sont devenues une considération de plus en plus importante. Les entreprises doivent être conscientes de ces défis lorsqu'elles s'adaptent aux nouvelles technologies.

En ce qui concerne la durabilité des entreprises, je crois fermement qu'un cadre solide de gouvernance d'entreprise devrait encourager à la fois les entreprises et leurs investisseurs à prendre des décisions qui favorisent la durabilité et la résilience à long terme. Des politiques de gouvernance judicieusement conçues sont essentielles pour aider les entreprises à résister aux chocs, à gérer les risques évolutifs et à contribuer à une stabilité économique plus large.

Bien que les pratiques de durabilité diffèrent largement selon les juridictions, elles tendent à s'articuler autour de quelques dimensions clés : les divulgations liées à la durabilité, les responsabilités du conseil d'administration, l'engagement des actionnaires et l'intégration des intérêts des parties prenantes. Alors que de nombreux pays intensifient leurs engagements pour faire face aux risques liés au changement climatique, les entreprises doivent être prêtes à s'adapter rapidement à l'évolution des paysages réglementaires et commerciaux. Un cadre de gouvernance solide est ce qui leur permet justement de le faire, en identifiant, évaluant et gérant les risques et les opportunités qui se présentent le long des voies de transition.

Reconnaissant l'urgence croissante de cette question et le besoin évident de données de haute qualité et comparables, le Comité a publié son premier Rapport mondial de l'OCDE sur la durabilité des entreprises l'année dernière. L'objectif du rapport est de soutenir l'adoption de politiques de gouvernance qui renforcent la durabilité des entreprises, en pleine conformité avec les Principes du G20/OCDE.

Le rapport fournit un examen approfondi des tendances mondiales en matière de durabilité des entreprises, avec un accent fort sur les pratiques de divulgation. Il s'appuie sur une analyse de données robuste conçue spécifiquement pour soutenir le travail des décideurs politiques, des régulateurs et des acteurs du marché. Je suis heureux de partager que nous travaillons déjà sur la deuxième édition, qui sera publiée au second semestre de cette année.

Cette prochaine édition continuera de suivre les développements mondiaux en matière de durabilité des entreprises, en maintenant son focus sur les dimensions clés décrites dans les Principes de Gouvernance d'Entreprise du G20/OCDE. Elle fournira une fois de plus des données et des analyses mises à jour pour aider les parties prenantes à prendre des décisions éclairées dans un environnement politique et de marché en rapide évolution. En tant que Président de l'OICV également, j'apprécie grandement ce travail, car il complète les efforts de l'OICV pour promouvoir des divulgations d'entreprise de haute qualité sur les questions liées à la durabilité.

 

SG : Comment le Comité de Gouvernance d'Entreprise peut-il mieux s'engager avec diverses parties prenantes pour améliorer les pratiques de gouvernance ?

JPS : Le Comité s'engage avec les parties prenantes de diverses manières. Je pense pouvoir dire que les parties prenantes du Comité constituent un groupe assez vaste et diversifié. Elles comprennent les pays membres de l'OCDE et les principaux pays non membres, les organisations internationales, les entreprises, les syndicats, les institutions académiques et les groupes de la société civile.

Le Comité s'engage avec ses parties prenantes sous diverses formes. Par exemple, le Comité mène des consultations publiques lors de la révision de ses instruments, tels que les Principes du G20/OCDE, pour recueillir les commentaires des parties prenantes externes comme les entreprises, les ONG et le grand public. Ces consultations jouent un rôle essentiel pour apporter un large éventail de points de vue aux discussions du Comité.

Une autre façon plus institutionnalisée, je dirais, est à travers les comités consultatifs. Par exemple, le Comité consulte régulièrement et bénéficie des contributions et des perspectives du Business at OECD (BIAC) et du Comité Consultatif Syndical (TUAC), qui représentent respectivement la communauté des affaires et les syndicats dans les travaux de l'OCDE.

En outre, le comité collabore avec divers organismes internationaux, notamment la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l'OICV, l'organisation internationale des commissions de valeurs mobilières, dont je suis également le président.

Le Comité de Gouvernance d'Entreprise adopte une approche quelque peu unique en accordant des droits de participation complets à tous les membres du G20 et du Conseil de Stabilité Financière (CSF) dans ses discussions. Étant donné la portée mondiale des Principes en tant que norme conjointe G20/OCDE, je crois que cela est non seulement approprié mais essentiel. Il est important que tous les membres du G20/CSF participent activement et parviennent à un consensus sur toute orientation ou conclusion qui émerge de nos réunions.

Pour assurer une prise de décision éclairée, le Comité organise également des tables rondes pour recueillir directement les commentaires des parties prenantes dès le début du processus. Le personnel de l'OCDE – qui fournit un soutien inestimable au Comité – travaille en étroite collaboration avec les universités, les institutions de recherche et les groupes de réflexion pour s'assurer que notre travail est fondé sur des recherches académiques solides et conduit à des politiques fondées sur des preuves.

En incluant les parties prenantes à différentes étapes et par différents canaux, nous pouvons nous assurer qu'il y a un large soutien pour les résultats du Comité. Ces partenariats et processus inclusifs nous permettent de rester alignés avec les tendances mondiales et les travaux de politique internationale, en nous assurant que nous restons pertinents dans un paysage en rapide évolution.