Le 21 mai dernier, un relationship agreement a été conclu entre la société cotée Gimv et son nouvel actionnaire de référence WorxInvest. Cet accord innovant est un bel exemple des intentions de la Commission Corporate Governance en matière de transparence et d'engagement des actionnaires et administrateurs.

Pour rappel, l’article 8.7 du Code belge de gouvernance d’entreprise prévoit que « Le conseil discute du point de savoir si la société doit conclure un pacte d’actionnaires (relationship agreement) avec les actionnaires significatifs ou de contrôle ». Ce relationship agreement est un document convenu entre la société et son ou ses actionnaire(s) significatif(s) ou de contrôle. Il régule la relation entre la société et lesdits actionnaires, en se focalisant sur un certain nombre de mécanismes de gouvernance et de partage d’information. Le relationship agreement peut définir le rôle joué par les actionnaires significatifs ou de contrôle vis-à-vis de la société et assurer la transparence quant à la vision de ces actionnaires.

Filip Dierckx, président du conseil d'administration de WorxInvest et de Gimv, et Edmond Bastijns, membre du comité exécutif et directeur juridique de Gimv, ont partagé leur expérience et les enjeux autour de cette convention, lors d'une interview exclusive menée par Sandra Gobert, Executive Director de GUBERNA.

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Pourquoi opter pour un relationship agreement ?

L'interview commence par des félicitations adressées aux intervenants pour leur choix de recourir à un relationship agreement, une démarche encore peu courante dans le paysage belge. Filip Dierckx souligne l’importance de rester innovant en matière de gouvernance. Il estime aussi que ce relationship agreement signale clairement l’engagement de défendre en priorité l’intérêt de la société.

Edmond Bastijns explique en outre que la mise en place de cet accord a été enclenchée par le processus de vente d'une participation de 27,8 % dans Gimv. Il était crucial de ne pas se limiter aux accords financiers au niveau du processus de vente. Le respect de critères de gouvernance stricts était également essentiel. Le relationship agreement s’est imposé comme un outil essentiel pour garantir cette rigueur.

Un processus à la fois consensuel et indépendant

Bien que l’accord ait été adopté facilement, l'interview met en lumière des discussions sur les engagements à inclure. Filip Dierckx affirme que la décision de l'adopter n’a pas suscité de grands débats, et qu'il y avait un consensus quant à la nécessité de cet accord. Il est toutefois reconnu que la faisabilité de certains engagements et l'anticipation des aléas de la coopération ont été des sujets de préoccupation.

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Chez Gimv, le rôle des administrateurs indépendants s’est révélé essentiel. Edmond Bastijns souligne que ces derniers ont réellement été à la manœuvre tout au long du processus. Les administrateurs non indépendants (représentants des actionnaires de référence) se sont d’ailleurs abstenus de voter, ce qui a renforcé la transparence et l'intégrité du processus.

L’utilisation d’experts externes et l’implication des « legal counsels » a également contribué à garantir la bonne gouvernance et l’efficacité du processus.

 

Un outil de collaboration et de communication

En ce qui concerne le contenu du relationship agreement entre Gimv et WorxInvest, les intervenants partagent quelques dispositions qui leur paraissent cruciales :

  • La composition du conseil d’administration. L’accord prévoit en particulier que les administrateurs indépendants resteront en majorité au sein du conseil d’administration de Gimv. Pour Filip Dierckx, il s’agit d’un point essentiel de la convention.
  • Les intentions stratégiques de l’actionnaire de référence. Le relationship agreement rappelle par exemple l’intention de l’actionnaire de référence de garantir l’ancrage ‘flamand’ de Gimv à long terme.
  • Une discussion transparente entre les parties sur les opportunités commerciales (d’investissement) qui pourraient se présenter.
  • Le partage d’informations. En particulier, les intervenants insistent sur l’importance d’une collaboration fluide et d’une communication claire entre toutes les parties prenantes. L’accord définit également un cadre pour les obligations de confidentialité et de partage d’information qui reposent sur les épaules des administrateurs.
  • La gestion des transactions entre parties liées.

Edmond Bastijns explique en outre qu’un équilibre a été trouvé entre la nécessité d’engagement des parties à l’accord, et la volonté de conserver une certaine flexibilité. Ainsi, certaines clauses sont contraignantes (allocation des opportunités d’investissement, partage d’information, …) tandis que d’autres ne le sont pas (gouvernance). Dans le deuxième cas, les parties ont préféré faire référence à d’autres documents de gouvernance existants tels que les statuts et la charte de gouvernance d’entreprise.

Transparence et défis futurs

Vers la fin de l'interview, les intervenants insistent sur les bénéfices de la transparence dans la relation avec les actionnaires. Edmond Bastijns cite l’adage « Sunshine is the best disinfectant » pour illustrer l’idée que la transparence absolue est la meilleure manière d’éviter les malentendus et les spéculations. Ainsi, rendre le relationship public permet de dissiper tout doute sur les intentions des parties.

Pour conclure, les intervenants soulignent l’importance de l’évaluation périodique de l’accord. Des discussions critiques seront menées à intervalles réguliers au sein du conseil d’administration. Par ailleurs, l’examen du relationship agreement fera partie intégrante de l’évaluation périodique du conseil d’administration. Enfin, un processus de réévaluation est prévu tous les trois ans, afin de mesurer les succès, d'identifier les faiblesses et d'ajuster les engagements si nécessaire. Cet exercice garantira que le relationship agreement reste un outil efficace pour la gouvernance et l’engagement entre l’actionnaire de référence et le conseil d'administration.

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