Quand les valeurs du sport rencontrent les demandes de la bonne gouvernance 

Comment assurer une gouvernance à la hauteur des valeurs que le sport incarne ? C’est à cette question centrale que Sandra Gobert, Directrice générale de GUBERNA, et Pierre-Olivier Beckers, nouveau Vice-président du Conseil Olympique International, ont consacré un échange riche en perspectives lors d’une interview qui a eu lieu le mardi 3 juin au sein des bureaux de GUBERNA. Leur discussion met en lumière les transformations en cours et les responsabilités croissantes des fédérations sportives. 

Gouvernance sportive : du bénévolat à la rigueur éthique, une transformation guidée par les valeurs 

« L’absence de principes de gouvernance a créé certains scandales ». Ce constat par Beckers, aussi clair que percutant, résume l’importance d’une évolution de bonne gouvernance dans le monde sportif. Là où le sport incarne le respect, le dépassement de soi, la bonne santé et la solidarité, sa gouvernance doit également être à la hauteur des valeurs qu’il partage. 

 

La pression financière comme levier de transformation 

L’augmentation du flux monétaire a beaucoup augmenté dans certaines disciplines gérant des montants colossaux, ces cas ont suffi à révéler des dérives, affirme Beckers : des abus de pouvoir et des besoins accrus de supervision à la suite de ces abus. Le financement public et les subsides sont aujourd’hui conditionnés au respect de principes clairs de transparence et de responsabilité, comme en témoigne l’adoption du cadre SIGGS (Sport Integrity Global Strategy). 

Historiquement, les fédérations sportives étaient pilotées par de petits comités de bénévoles, peu enclins à adopter les obligations de loyauté et de transparence.  

“Mais ce bénévolat en est aussi une opportunité et un challenge” souligne Beckers. Cela renforce le caractère d’engagement sociétal des administrateurs, mais cela complique aussi l’exigence de professionnalisation. Pourtant, au fil des années, la crédibilité du secteur s’est renforcée, notamment par le rôle accru des conseils d’administration. 

 

Repenser la gouvernance à partir de la mission 

« Il n’y a pas de bonne gouvernance sans une vision forte et une mission clairement définie, à laquelle on peut toujours se rattacher ». Beckers croit fortement que c’est autour de cette finalité que doivent s’articuler les principes directeurs. Définir la raison d’être des organisations sportives permet de rendre leurs conseils d’administration plus pertinents, plus légitimes, et surtout plus alignés avec les attentes sociétales. 

La nomination d’administrateurs doit aller au-delà de la représentation institutionnelle. Elle requiert une cohérence de valeurs, une intégrité indiscutable, mais aussi une diversité d’âges, de genres, d’expériences et de nationalités : Beckers prévient de l’importance de ces éléments constituant une "boîte à outils" essentielle à la réflexion collective.  

« L’intégrité est la pierre d’achoppement, sans elle, nous n’arriverons à rien » nous rappelle Beckers. La gouvernance sportive repose sur la confiance entre les fédérations, les partenaires, les autorités publiques et les citoyens. Elle justifie le lien entre sport et société. La charte de bonne gouvernance a permis de clarifier les rôles et les engagements de chacun, et de mettre fin à une logique de mécénat déconnecté des réalités de gouvernance. 

 

Intégrer la gouvernance sportive dans la performance globale 

À la demande de Sandra Gobert sur les différences dans la gouvernance entre entreprises et fédérations sportives, Beckers nous informe que l’augmentation des flux financiers s’accompagne malheureusement de risques accrus : matchs truqués, fraudes, conflits d’intérêt. Il rappelle l’importance de renforcer les mécanismes de contrôle interne et de monitoring. 

Mais la gouvernance ne se limite pas au contrôle : elle est aussi une question de performance humaine. Beckers met en avant cette particularité du monde sportif, qui se traduit dans la gouvernance de ce milieu. Dans le sport, le stress est géré, canalisé pour atteindre des pics de performance au moment requis. Cette approche peut inspirer le monde du travail, en valorisant des cycles alternant pression et repos, prévenant les chances de burnout ainsi que la baisse de motivation. 

 

Un avenir durable et inclusif 

Les principes ESG ont leur place naturelle dans le sport, les valeurs sociales en sont le socle. “Le sport touche beaucoup de personnes, dans un monde polarisé, c’est très important” ajoute pertinemment Gobert. Quant à l’environnement, les fédérations peuvent montrer l’exemple et plus que certaines entreprises dans la géopolitique actuelle. “Comme lors des JO de Paris 2024, où les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 50 % par rapport aux précédentes éditions” informe fièrement Beckers. 

Enfin, aucune structure n’est trop petite pour s’engager : les clubs locaux ont un rôle essentiel. La mutualisation y est souvent mieux ancrée qu’ailleurs. Car dans le sport, comme en gouvernance, c’est ensemble qu’on gagne. 

La gouvernance est un marathon, pas un sprint. Elle se construit progressivement, avec humilité et réalisme, et c'est dans cette voie qu'elle atteindra sa ligne d'arrivée.  

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