Soins en équilibre : Gouverner entre gestion des risques et capital humain
Le 20 novembre s’est tenue la huitième édition du Hospital Governance Forum. L’après-midi, bien remplie, combinait des keynotes courtes et percutantes avec des exercices interactifs, un format qui a clairement plu aux participants. Le thème central était un sujet classique de gouvernance : les checks & balances au sein du conseil hospitalier, avec deux applications concrètes et un approfondissement en matière de gestion des risques et de gestion du personnel.
Le forum a débuté par un double entretien avec le Dr Yves Breysem, CEO de l’hôpital Jessa, et Karin Genoe, présidente de l’organe d’administration du même hôpital. Il en est ressorti une conviction claire : un modèle de consensus avec les médecins hospitaliers est essentiel pour le bon fonctionnement des checks & balances entre les acteurs du “quadripode” de l’hôpital : le conseil médical, la direction, le conseil d’administration et l’assemblée générale, qui doivent parvenir ensemble à un accord. Avoir des objectifs communs semble ainsi plus important que la rapidité pure de la prise de décision.
Isabelle Derison a ensuite donné une keynote sur le rôle du conseil d’administration dans la gestion des risques hospitaliers. Le Dr Nadine Lemaitre a ouvert une nouvelle conférence sur le rôle du conseil dans la politique du personnel. Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux enseignements de ces keynotes, mais nous présentons d’abord les résultats des board sessions interactives.
Board sessions interactives
Nouvelle dans cette 8e édition du forum : l’organisation de “board sessions”. Les participants ont été invités à réfléchir en groupe à des situations hypothétiques mais pertinentes, au sein d’une gouvernance hospitalière fictive. Les trois thèmes portaient sur l’équilibre de l’autorité entre direction et conseil, ainsi que sur le rôle du conseil dans la gestion intégrée des risques et dans la rétention des médecins et du personnel infirmier. Le contenu des discussions rejoignait donc également celui des keynotes.
De ces sessions, on peut retenir qu’une bonne gouvernance est indispensable pour réunir direction et conseil autour d’une mission, d’une vision et d’une stratégie partagées. Il s’agit d’un enjeu formel, ancré dans les statuts ou un document de politique, mais les moments informels renforcent aussi la confiance mutuelle et l’alignement. Ensuite, une gestion active des risques (voir ci-dessous) suppose également un conseil capable de challenger la direction et d’assurer un suivi du processus et des résultats. Enfin, un comité RH — un nom plus approprié que celui de comité de rémunération et de nomination — peut parfois mieux surveiller les risques liés au personnel qu’un conseil d’administration global.
Gouverner, c’est exercer un leadership conscient des risques
Les hôpitaux évoluent dans un écosystème extrêmement complexe : la science médicale progresse à grande vitesse, les fusions et la mise en réseau se multiplient, et les attentes sociétales en matière de qualité et de transparence augmentent. Dans ce contexte, les administrateurs hospitaliers doivent démontrer qu’ils sont activement engagés dans la gestion des risques.
La gestion des risques constitue donc un pilier stratégique. Elle accroît l’agilité en période de crise, mais va au-delà de la simple prévention des incidents : c’est une culture qui exige une identification précoce, une discussion ouverte et une gestion proactive des risques. Les dialogues sur les risques, des rapports cohérents, et une intégration claire des risques dans le cycle de planification et de budget deviennent la nouvelle norme. La transparence dans ce processus renforce non seulement la crédibilité, mais aussi la confiance des parties prenantes.
L’une des présentations a mis en lumière que la gestion efficace des risques dans les hôpitaux peut s’appuyer sur le modèle des three lines of defense. Il est utile de bien distinguer ces différents rôles, même si, dans la pratique hospitalière, ils s’entrecroisent parfois.
La première ligne : la direction et les équipes opérationnelles — médecins, infirmiers, mais aussi le CFO — sont responsables d’identifier et de mitiger les risques dans la pratique quotidienne. Le management reste en contact permanent avec l’organe d’administration.
La deuxième ligne : des fonctions spécialisées telles que qualité et sécurité, finance, prévention ou environnement. Leur rôle est de développer des cadres, de conseiller et d’apporter un regard critique sur la gestion des risques, sans pour autant reprendre la propriété des risques.
La troisième ligne : l’audit interne, indépendant et objectif, dresse une “carte” des domaines de risques, particulièrement utile dans les hôpitaux où les budgets sont limités. L’audit interne reste toujours indépendant du management et rapporte exclusivement à l’organe d’administration.
Point essentiel : la mitigation et la gestion des risques relèvent toujours de la première ligne, à savoir la direction et le personnel médical. Ce sont eux qui exécutent les processus et prennent les mesures nécessaires pour limiter les risques au quotidien. Les risques ne peuvent pas être “externalisés” vers la deuxième ligne. Les conseillers qualité, sécurité ou prévention jouent un rôle structurant et de surveillance, mais ils ne reprennent jamais l’ownership. Une deuxième ligne performante renforce la première, mais ne peut jamais s’y substituer.
Bien distinguer les rôles du conseil, de la direction et des équipes spécialisées facilite donc le développement d’une politique de risques solide.
Gouverner, c’est aussi porter attention aux ressources humaines
Dans un hôpital, la politique du personnel est évidemment un pilier stratégique. Le capital humain est essentiel pour la continuité et la qualité des soins. Pourtant, les conseils d’administration restent souvent très focalisés sur les chiffres financiers, alors que la dimension humaine détermine largement la réputation, les performances et la continuité de l’hôpital.
Les réunions de gouvernance doivent donc accorder une vraie place aux enjeux RH. Cela commence par la reconnaissance du fait que l’hôpital est une organisation de services, dans laquelle la chaîne de soins est aussi forte que son maillon le plus faible. Les médecins apportent l’expertise clinique, les infirmiers influencent largement l’expérience du patient, et les services de support — pharmacie, informatique, administration — garantissent le bon déroulement du processus. Un manque de coopération ou d’empathie dans un seul maillon peut fragiliser toute la chaîne.
Les administrateurs ont dès lors trois missions essentielles :
Composition stratégique : choisir une équipe de direction qui combine maîtrise métier et leadership orienté vers l’humain.
Construire une structure robuste : des choix de gouvernance qui favorisent la collaboration et la communication honnête.
Mesurer pour savoir : contrôle ex post des performances et du bien-être des patients.
Focus sur la politique RH : attirer et développer les talents, avec une rémunération équitable
En résumé, la politique du personnel fait pleinement partie de la gouvernance. Elle exige que les administrateurs posent les bonnes questions :
Comment renforcer la collaboration entre les différentes fonctions ? Comment soutenir la chaîne de soins ? Comment relier politique RH, qualité et sécurité du patient ?
Ce n’est qu’ainsi que l’hôpital peut accomplir sa mission : offrir des soins d’excellence et une expérience humaine.
Traditionnellement, ce résumé sera accompagné d’un article approfondi consacré à la thématique du Hospital Governance Forum. Voyez également notre précédent article détaillé : Le processus de la fusion hospitalière : de la situation initiale à la nouvelle organisation.
1 Les personnes intéressées peuvent approfondir ce modèle dans la note explicative de The Institute of Internal Auditors.