Impact de l'intelligence artificielle sur les rôles du conseil d'administration : entretien avec M. Bart De Smet (Ageas)

En juin 2023, le Centre GUBERNA sociétés cotées a eu l'honneur d'accueillir Monsieur Bart De Smet, président du conseil d'administration d'Ageas et membre du conseil d'administration de GUBERNA. L'objectif de cet entretien était de mieux comprendre l'impact de la technologie, et en particulier de l'Intelligence Artificielle (IA), sur la gouvernance des sociétés cotées, en apportant à nos membres le cas pratique d'Ageas.  

Récemment, l'avènement du ChatGPT a permis au grand public de découvrir l'intelligence artificielle générative. fois que des technologies perturbatrices apparaissent dans la société, elles sont accompagnées d'un mélange d'espoir et d'angoisse. L'émergence de cette nouvelle forme d'IA a été présentée à la fois comme un changement révolutionnaire et comme une menace catastrophique pour les emplois actuels. Chez GUBERNA, nous pensons que l’IA complétera les humains et ne les remplacera pas 

En matière de gouvernance d'entreprise, il nous a semblé opportun de revoir les trois rôles du conseil d'administration : stratégique, de contrôle et de direction, et d'analyser avec M. De Smet l'impact de l'IA sur ces rôles. 

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L'une des principales tâches du conseil d'administration est d'engager des discussions sur la stratégie, en collaboration avec la direction générale, afin d'orienter l'entreprise dans une direction donnée.  

L'intelligence artificielle est un terme englobant qui demande un peu de précision. À cet égard, M. De Smet préfère parler d'intelligence augmentée, où les capacités de l'homme et de la machine sont combinées pour améliorer l'apprentissage et la prise de décision. En termes de stratégie pour Ageas en particulier et pour le secteur de l'assurance en général, l'impact de l'IA se situe principalement dans le domaine de l'automatisation des processus et de l'analyse des données. Concrètement, l'IA peut contribuer à améliorer la science prédictive (par exemple, le meilleur moment pour réparer/remplacer un véhicule), à affiner les processus de réclamation (pour détecter d'éventuelles fraudes) ou à interagir avec les clients (par le biais de ChatBot).  

D'un point de vue stratégique, M. De Smet indique que le groupe Ageas laisse beaucoup d'autonomie aux entités locales pour décider des meilleurs produits, du meilleur prix ou du meilleur canal de distribution en fonction de la demande du marché local. Néanmoins, le centre d'entreprise fournit à l'entreprise une vue d'ensemble de ce qui se passe dans le domaine de l'IA partout (à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise) dans le but d'inspirer les gens. Dans le même ordre d'idées, Ageas scrute les tendances de l'environnement commercial pour analyser quelle technologie pourrait avoir un impact sur le secteur de l'assurance et pour sélectionner les meilleures innovations.  

M. De Smet a souligné que le conseil d'administration ne devait pas remplacer l'équipe de direction sur ce sujet (conformément au principe NIFO - "Nose In, Fingers Out"). En effet, le conseil d'administration n'a pas besoin d'être impliqué dans chaque petit détail de l'IA, mais cette nouvelle technologie devrait être intégrée dans les discussions stratégiques générales. En conclusion, M. De Smet a recommandé de ne pas suivre aveuglément les sujets brûlants, mais d'être sélectif et d'identifier réellement les aspects sur lesquels l'IA peut contribuer à façonner l'agenda stratégique de l'organisation. 

Le rôle de surveillance du conseil d'administration consiste à superviser et à contrôler les activités de l'entreprise afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux objectifs fixés. Il comprend le suivi des résultats financiers et opérationnels, la supervision des objectifs stratégiques, le contrôle interne ainsi que la gestion des risques  et la conformité. 

En ce qui concerne l'IA, le Conseil doit être particulièrement vigilant quant aux risques encourus. En effet, l'utilisation des nouvelles technologies peut augmenter la productivité, mais elle comporte aussi des risques.  

Pour le secteur de l'assurance en particulier, l'utilisation de l'IA peut conduire à un niveau élevé de rejet de personnes non assurables en raison de la création d'un nombre excessif de profils personnalisés basés sur un grand nombre de paramètres sans aucune intervention humaine. Le conseil d'administration a donc un rôle clair à jouer en tant que "gardien" de la responsabilité sociale de l'entreprise à l'égard de tous ses clients. Pour les entreprises en général, les cyberattaques et les fuites de données constituent d'autres menaces potentielles.  

Afin de mieux appréhender ces risques, M. De Smet souligne l'importance du rôle consultatif du Comité des risques. En effet, il peut aider à identifier les risques liés à l'IA et soutenir le conseil d'administration en organisant des sessions spécifiques sur des risques particuliers liés à l'IA. 
  

De nos jours, faire des affaires devient de plus en plus complexe et nécessite des talents adéquats. L'une des principales responsabilités du conseil d'administration est de veiller non seulement à ce que l'organisation soit dirigée par une équipe professionnelle et compétente, mais aussi à ce qu'elle dispose d'administrateurs compétents et au fait des dernières évolutions, capables de faire avancer des sujets spécifiques, tels que l'IA.  

Toutefois, cela ne signifie pas que chaque nouvelle tendance nécessite la nomination d'un nouveau directeur pour y faire face. M. De Smet croit à la complémentarité et à la diversité (en termes de connaissances, de compétences et d'expériences) au sein du conseil d'administration pour faire face aux nouveaux défis. Selon lui, la clé pour le conseil d'administration est d'avoir une compréhension commune des sujets clés : "de quoi parlonsnous vraiment lorsqu'il s'agit d'IA ? L'objectif principal est de s'assurer qu'il existe des experts au sein de l'équipe de direction et de demander régulièrement un retour d'information aux cadres. Pour atteindre cet objectif, les membres du conseil d'administration peuvent faire appel à des tiers, y compris des auditeurs externes, sur des sujets spécifiques afin de s'assurer que toutes les capacités sont utilisées et que tous les risques sont examinés.