Vers des conseils équilibrés et inclusifs : La place des femmes dans les conseils d’administration
GUBERNA célèbre cette année son 30e anniversaire. Depuis trois décennies, nous accompagnons les organisations et leurs organes de gouvernance dans la mise en place d’une gouvernance forte, tournée vers l’avenir et durable.
Avec une mission claire – « Better Boards, Better Organisations, Better World » – nous avons progressivement contribué à l’évolution (et l’amélioration) de la gouvernance en Belgique et en Europe.
En tant que membre actif d’ecoDa, la fédération européenne des instituts d’administrateurs, nous contribuons également au développement des pratiques de gouvernance dans un contexte européen.
Au fil des années, nous avons modifié nos priorités, développé de nouvelles normes et lignes directrices, et participé à la construction des fondements de la bonne gouvernance.
Toujours avec l’ambition de rendre la gouvernance pertinente et applicable, dans tous les secteurs et à tous les niveaux.
Ces 30 années constituent un moment de rétrospective, mais certainement pas une fin en soi.
Avec la même énergie, nous continuons à œuvrer pour une bonne gouvernance, en collaboration avec les administrateurs, les organisations et notre réseau.
Dans cet article, nous revenons sur la loi qui impose la présence d’au moins un tiers de chaque sexe au sein des conseils d’administration des entreprises publiques autonomes.
Le départ vers l’inclusion des femmes dans les conseils
L’objectif de la diversité des genres dans les organes de décision va bien au-delà des considérations de performance des entreprises ou de gouvernance d’entreprise. Cette quête de diversité est une préoccupation sociétale et touche aux valeurs fondamentales de notre société, tant au niveau national qu’au niveau européen et mondial. Après une période de réflexion et de discussion, une discussion sur la présence des femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises eu lieu. Deux potentielles approches furent envisagées, une approche souple, basée sur l’autorégulation et l’approche de type quotas, plus stricte. Dût à la faible représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, la seconde approche fût préférée (81% des conseils d’administration comptaient zéro ou une femme en 2008).
C’est ainsi que le 28 juillet 2011, le Parlement fédéral a adopté la loi visant à garantir une présence d’au moins un tiers de chaque sexe au sein des conseils d’administration des entreprises publiques autonomes, de la Loterie Nationale et des entreprises privées cotées en bourse. Les grandes entreprises cotées en bourse avaient jusqu’au 1er janvier ou le 1er juillet 2017, selon que l’exercice comptable se clôturait fin décembre ou fin juin, pour être conformes à la loi. En ce qui concerne les petites et moyennes sociétés cotées en bourse, elles ont bénéficié d’une période supplémentaire de deux ans pour satisfaire à cette obligation.
Si les entreprises ne satisfont pas au minimum exigé en termes de représentation de chaque sexe au sein du conseil d’administration, la loi prévoit l’annulation des avantages financiers liés au mandat des administrateurs. En outre, la nomination du/de la prochain administrateur est déclarée nulle si le quota minimum n’est pas atteint et que cet administrateur appartient au sexe surreprésenté (soit plus de 2/3).
La commission relance l’initiative
En 2022, la Commission Européenne lance une nouvelle tentative pour adopter une directive incluant un quota de genre pour les conseils d’administration des sociétés cotées. S'appuyant sur les demandes pressantes du Parlement européen et de la Commission européenne, la directive vise à assurer une représentation égale des hommes et des femmes aux postes d’administrateurs. Les mesures sont limitées aux grandes sociétés cotées en bourse. GUBERNA a publié une étude en préconisant une approche non contraignante (‘’soft law’’) par le biais d'amendements au Code belge de gouvernance d'entreprise 2020.
La directive donne le choix aux États membres entre deux obligations : soit 40% minimum de membres de chaque sexe parmi les membres non-exécutifs du conseil d’administration, soit 33% sur l’ensemble du conseil d’administration. Par ailleurs, Belgique était censée transposer ladite Directive pour fin 2024, une procédure qui est actuellement en cours, et les entreprises ont un délai pour se conformer à ces nouvelles dispositions d’ici juin 2026.
Au fil du temps, nous apercevons qu’en Belgique le pourcentage des femmes dans les conseils d’administration est en constante évolution1, en 2020 il y avait en moyenne 33,9% de femmes dans les conseils d’administrations des entreprises privées cotées, avec 93,8% de ces entreprises qui ont atteint le quota légal d’un tier du sexe sous-représenté.
Les entreprises publiques autonomes et la Loterie Nationale disposaient de moins de temps pour se conformer à la loi. En 2020, 38,3% de femmes en moyenne siégeaient dans les conseils d’administration des entreprises publiques autonomes et de la Loterie Nationale. Toutes les entreprises étaient conformes au quota2.
Progrès … mais encore insuffisant
Néanmoins, il est important de rester vigilant au « tokenisme », à savoir de nommer des administratrices au sein du conseil d’administration pour l’unique but de remplir le quota. Il semble que la représentation des femmes dans les conseils approche un équilibre acceptable, mais c’est encore trop peu. Une diversité de genre dans le conseil n’est pas juste un point à cocher pour éviter les sanctions financières. La recherches3 montre qu’un conseil varié en termes d’âge, de secteur et d’expérience ajoute de la valeur dans les prises de position dû au point de vue varié que peut apporter ces aspects. Il en est de même pour la diversité de genre, une plus grande représentation de femmes dans le conseil mène à une dynamique de conseil plus solide ainsi que des prises de décisions plus réfléchies.
Les entreprises qui embrassent la diversité avec bon esprit comprennent l’importance que celle-ci a pour les différents stakeholders, elle permet de mieux les représenter et d’entreprendre une vision innovante. Plus récemment, GUBERNA a publié un article avec des recommandations afin de transitionner vers une plus grande inclusion dans les conseils d’administration. Il est important pour les conseils de prioriser une culture diverse qui permet la prise en compte de diverses perspectives, d’inclure ces perspectives dans la culture même du conseil, pour ainsi arriver à des prises de décisions plus collégiales et collaboratives. Pour cela, il est essentiel de cultiver une culture d’inclusion au sein même de l’organisation en continu et pas seulement lorsque la loi le demande.