D’un poste exécutif à un mandat d’administrateur : bien plus qu’une nomination - Entretien avec Ann Biebuyck et Konstantinos Sergakis

Chris Wouters : Ann, vous avez récemment fait le passage d’un rôle exécutif à celui d’administratrice. Quel a été votre parcours jusque-là ?

Ann Biebuyck : Je suis psychologue de formation et j’ai ensuite suivi un programme en management général à la Vlerick Business School. Ces vingt dernières années, j’ai surtout travaillé dans l’industrie alimentaire, dans des environnements de production comme Comptoir Gourmand et McCain, mais aussi dans des entreprises B2C comme Lunch Garden. J’ai commencé dans les achats avant d’évoluer vers des fonctions de direction générale. Au cours des cinq dernières années, j’ai eu des contacts plus fréquents avec les conseils d’administration, ce qui a renforcé mon intérêt. Aujourd’hui, je suis administratrice indépendante dans une entreprise familiale et présidente du conseil d’administration d’une coopérative.

Chris Wouters : Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir administratrice ?

Ann Biebuyck : J’étais PDG pendant la période du COVID, un contexte extrêmement exigeant. Cela m’a fait prendre conscience de l’importance d’avoir les bonnes personnes au conseil : des personnes capables de réfléchir ensemble, d’apporter un regard critique, tout en jouant un rôle de soutien. Ce fut un tournant, et cela m’a donné envie de contribuer autrement.

 

« Aujourd’hui, je veux à mon tour faire la différence pour d’autres équipes et d’autres entreprises. »  — Ann Biebuyck 

Un parcours d’apprentissage en trois modules

Chris Wouters : Comment avez-vous concrètement opéré cette transition ?

Ann Biebuyck : J’ai commencé comme administratrice exécutive. Très vite, j’ai compris que la responsabilité était vaste : stratégie, finances, aspects juridiques, RH, IT, ESG… J’ai donc suivi des formations chez GUBERNA. Les trois modules — Director Effectiveness, Board Effectiveness et Board Simulation — se sont enchaînés progressivement sur plusieurs années. Comme pour tout ce qui a de la valeur, cela mérite du temps. Je voulais m’assurer que cela corresponde à mes ambitions.

Chris Wouters : Qu’appliquez-vous concrètement aujourd’hui de ces formations ?

Ann Biebuyck : Par exemple, chez Vander Zijpen, je travaille avec une boussole stratégique que je discute chaque mois avec l’équipe de direction — un outil issu du module Director Effectiveness. La manière de constituer un conseil d’administration provient de la formation Board Effectiveness. Quant à la Board Simulation, ce fut véritablement la cerise sur le gâteau : un environnement sûr où l’on apprend, avec d’autres, à jouer son rôle, sous le regard d’experts. Je me souviens encore de cette remarque lors d’une session : « Two big questions, Angel ! » Ce genre de retour marque les esprits. (sourit)

Chris Wouters : Konstantinos, voyez-vous souvent cette transition d’un poste exécutif à un mandat d’administrateur ?

Quelle que soit la motivation, la réussite dépend beaucoup de la qualité de la collaboration entre conseil et management, ainsi que de la volonté d’apprendre en continu.

Chris Wouters : Selon vous, quelles sont les compétences essentielles d’un administrateur ?

Konstantinos Sergakis : Être visible. Oser poser des questions. Continuer à développer son expertise. Beaucoup de nouveaux administrateurs se montrent réservés au départ, mais un conseil a besoin d’une participation active. La gouvernance ne consiste pas à être présent, mais à être préparé et à évoluer avec des thèmes comme la géopolitique, l’innovation, l’ESG ou l’intelligence artificielle. Ce que vous saviez l’an dernier peut déjà être dépassé aujourd’hui.

Chris Wouters : Ann, partagez-vous cette vision ?

Ann Biebuyck : Absolument. Les bons échanges naissent d’une communication claire et d’une écoute attentive. L’expertise technique est une condition de base, mais l’impact d’un administrateur dépend de sa capacité à faciliter le dialogue. La personnalité entre aussi en jeu.

Chris Wouters : En quoi la formation GUBERNA vous a-t-elle aidée dans vos mandats actuels chez Vander Zijpen et Copagro ?

Ann Biebuyck : Elle m’a été très utile, pas seulement par l’acquisition de connaissances, mais aussi par le réseau. Entre alumni, nous continuons à partager nos expériences. L’apprentissage se poursuit aussi de manière informelle, par exemple via des recommandations de lecture. C’est ainsi que j’ai découvert le livre de Karine Vandenberghe sur le reporting ESG, qui m’a beaucoup inspirée.

Gouvernance dans les entreprises familiales : un regard externe à forte valeur ajoutée

Chris Wouters : Qu’implique, concrètement, le rôle d’administrateur indépendant dans une entreprise familiale ?

Ann Biebuyck : D’abord, des accords clairs sur votre rôle. Dans ces entreprises, les membres de la famille sont souvent très impliqués opérationnellement. Il est donc essentiel d’expliquer que votre fonction n’est pas opérationnelle mais celle d’un miroir externe. Cela suppose une communication ouverte et la démonstration de votre valeur ajoutée.

Chris Wouters : Comment construit-on la confiance ?

Ann Biebuyck : En prenant le temps et en restant constant dans sa communication. La transparence est essentielle. La confiance n’est jamais acquise, il faut la nourrir en permanence, parfois par de petits gestes.

Construire la confiance est essentiel : il s’agit d’écouter, de relier et de coopérer. » 
— Konstantinos Sergakis 

 

Chris Wouters : Ann, vous êtes également présidente de Copagro. Comment s’est déroulée cette nomination ?

Ann Biebuyck : Je me suis portée candidate à une offre publique. Lors de l’assemblée générale, j’ai été élue à l’unanimité. Ensuite, le conseil m’a désignée présidente. Ce qui me plaît dans une coopérative, c’est que chaque voix compte. Tous les membres, quelle que soit leur taille ou leur région, disposent d’une voix. Cela complexifie la prise de décision, mais la rend aussi très précieuse. C’est un vrai miroir de la société.

Chris Wouters : Quelle est la principale différence avec une SA ?

Ann Biebuyck : Dans une SA, les décisions sont généralement plus centralisées. Dans une coopérative, il faut composer avec une diversité d’intérêts et d’attentes. C’est plus exigeant, mais également très enrichissant.

Chris Wouters : Konstantinos, quel est votre regard académique ?

Konstantinos Sergakis : Les structures diffèrent, mais les dynamiques de gouvernance sont similaires. Tout repose sur l’écoute, la coopération, le débat et la recherche de consensus. L’échelle varie, mais les principes sont universels.

Chris Wouters : Quels sont vos « do’s & don’ts » pour ceux qui envisagent un mandat d’administrateur ?

Ann Biebuyck : Accordez-vous cent jours pour observer et apprendre. Posez des questions, même si vous connaissez le secteur. Et surtout : ne considérez pas le conseil comme une formalité. Utilisez-le comme un véritable outil de pilotage.

Konstantinos Sergakis : Soyez présent, préparé, osez écouter et challenger. Considérez le mandat non comme une distinction honorifique, mais comme une expérience d’apprentissage à vie. Un espace où vous pouvez avoir un impact — sur les personnes, les entreprises et la société.

Chris Wouters : Que retenir de cet échange ? Quiconque souhaite devenir administrateur doit garder l’esprit ouvert, poser les bonnes questions et rester dans une logique d’apprentissage continu. Comme l’a bien résumé Konstantinos Sergakis : « Plus la question est pertinente, meilleure est la gouvernance — et meilleur est le monde. »

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